En homme d’affaires avisé et visionnaire, Marc Zuckerberg anticipe les tendances. Mais, à l’image d’un pompier pyromane qui anticipe les lieux où les feux vont apparaître, l’on doit aussi admettre que ce don de prescience est facilité pour l’ingénieur-entrepreneur en détenant le pouvoir d’attirer à lui un immense capital d’utilisateurs, et donc d’investisseurs en capacité de concrétiser ses visions. C’est ainsi qu’en annonçant le 28 octobre 2021, lors de la Keynote Connect, le futur de l’internet mobile et des interactions sociales en lui attribuant un nom (le métavers), Zuckerberg a incontestablement créé une tendance[1].
L’immersion : un sujet pas tout à fait nouveau
Les vieux routards du jeu vidéo ont certainement été parmi les moins impressionnés de cette annonce, pour fréquenter maintenant depuis des décennies diverses formes de ce qui est, pour l’instant, juste un nouveau label marketing[2]. Pour tenter de poser une définition, ces « méta-univers » pourraient être décrits comme des mondes virtuels connectés à un réseau informatique (comme l’Internet), accessibles par une interface immergeant leurs utilisateurs dans une simulation graphique rendant possible les interactions avec leur environnement et d’autres utilisateurs (réels ou artificiels). Nous reviendrons plus tard sur les solides confusions avec d’autres technologies, comme le web3 et les blockchains, entretenues par des experts de l’instant pour nous concentrer sur le cœur de l’expérience offerte par les métavers : l’immersion.
Texte préparé et présenté dans le cadre de la conférence internationale organisée par la Chaire Justice sociale et intelligence artificielle – Fondation Abeona / ENS / OBVIA le 31 mai 2022, à l’ENS Ulm
Présenté le 31 mai 2022 à l’ENS (Paris) – Ce texte a déjà fait l’objet d’une publication dans la revue Éthique publique, vol. 23, n° 2 (2021) [1] – Accessible sur https://doi.org/10.4000/ethiquepublique.6323
ENS Ulm, 31 mai 2022
Les trois grands défis posés par la gouvernance de l’intelligence artificielle et de la transformation numérique
La célérité avec laquelle notre société et nos modes de vie se transforment sous l’effet des technologies numériques est tout à fait inédite. L’intelligence artificielle (« IA[2] ») est certainement l’un principaux moteurs de cette transformation, au cœur d’un nombre croissant de services qui peuplent déjà notre quotidien. Ce terme « d’IA », dont le contenu a substantiellement évolué depuis sa création en 1955[3], a été réenchanté depuis le début des années 2010 et désigne désormais les divers algorithmes d’apprentissage automatique (machine learning, comme l’apprentissage profond – deep learning), dont les résultats des traitements sont apparus comme particulièrement spectaculaires non seulement pour la reconnaissance d’images ou de sons, mais aussi pour le traitement du langage naturel.
De la certitude des prédictions à l’incertitude des probabilités
Texte préparé et présenté dans le cadre du colloque « L’intelligence artificielle et la fonction de juger », organisé à la Cour de cassation le 21 avril 2022 par l’Institut de recherche pour un droit attractif de l’Université Sorbonne Paris Nord (IRDA) et le Centre de droit civil des affaires et du contentieux économique (CEDCACE), axe justice judiciaire, amiable et numérique de l’Université Paris Nanterre
Texte publié le 22 avril 2022 et révisé le 24 avril 2022
La résurgence de l’intelligence artificielle (« IA[1] ») dans notre quotidien depuis le début des années 2010 doit beaucoup à la science statistique. Les différentes méthodes d’apprentissage automatique empruntent en effet nombre d’approches de la discipline, en traitant et en interprétant de grands ensembles de données. Les résultats remarquables obtenus, notamment pour la reconnaissance d’images ou de sons, ont conduit à un vif enthousiasme des entrepreneurs qui ont cherché à en généraliser l’application. Le secteur de la justice n’a pas échappé à cette évolution en France, essentiellement à l’initiative de très dynamiques startups spécialisées dans le droit (legaltechs), qui ont affiné leurs offres depuis le milieu des années 2010.
Un arbre nu tendu vers le ciel bleu. Une photo hivernale marquée par la tristesse ? Non, une photo tournée vers l’espoir, car en levant les yeux, on voir les branches se déployer vers la vie. Cette photo, créée grâce à deux paires d’yeux et à quatre mains, symbolise le soutien que chacun peut apporter à l’Ukraine, un geste modeste mais tourné vers l’avenir. La photo a vocation à être utilisée comme affiche, carte postale, ou encore marque-page, non seulement pour marquer son soutien aux Ukrainiens qui souffrent les affres de la guerre, mais aussi pour ne pas oublier le renouveau qui suivra.
A bare tree reaching up to the blue sky. A winter photo marked by sadness? No, a photo turned towards hope, because when you look up, you see the branches soon to burst with life. This photo, created with two pairs of eyes and four hands, symbolizes the support that everyone can give to Ukraine, a modest but forward-looking gesture. The photo is intended to be used as a poster, postcard, or bookmark, not only to show support for Ukrainians who are suffering the horrors of war, but also to remember the renewal that will follow.
Les discussions sur l’emploi de la reconnaissance faciale[1] dans les espaces publics par les forces de l’ordre paraissent toujours particulièrement sensibles et ont fortement animé la préparation du projet de règlement sur l’intelligence artificielle (IA) de la Commission européenne paru en avril 2021. Outre la volonté des gouvernements de disposer d’outils de meilleurs outils de prévention de la criminalité, on voit qu’il est aussi question de mettre de l’ordre dans les pratiques d’opérateurs privés qui inquiètent l’opinion publique et ont conduit à des réactions des autorités de protection des données[2].
Guide pratique à l’attention de rédacteurs paresseux souhaitant meubler leurs colonnes avec les exploits de l’intelligence artificielle
Durant la dernière décennie, l’intelligence artificielle (IA) s’est taillé une place de choix parmi les sujets « serpents de mer » du journalisme. Présentée comme pouvant résoudre des catégories sans cesse plus vastes de tâches complexes et de problèmes dans notre société, cette technologie est invariablement présentée dans les articles destinés au grand public comme étant sur le point d’apporter ses bénéfices à l’humanité pour « sauver des vies », « rendre plus efficaces et fiables » nos décisions et ringardiser l’expertise humaine, tout en agitant le spectre de la déshumanisation et de la robotisation. Pas de quoi faire avancer substantiellement les débats donc.
En avril 2021, la Commission européenne posait, dans son projet de réglementation sur l’intelligence artificielle (« IA »), une définition de cette technologie[1] dont les mérites, et les défauts, ont été largement débattus. Trop large pour certains, trop précise pour d’autres, il semble que les dernières orientations du Conseil de l’Union européenne tendent maintenant à en restreindre le champ pour concentrer les efforts réglementaires sur les dernières technologies en vogue[2].
En 1500, l’Autoportrait en manteau de fourrure ou l’Autoportrait à la pelisse d’Albrecht Dürer est vraisemblablement l’une des toutes premières affirmations, au tournant du Moyen Âge et de la Renaissance, de l’individu. Dans une figure christique, le peintre affirme l’être humain pour lui-même et traduit le tout début d’une transformation radicale de la vision du monde, devenue la clé de voûte de nos sociétés modernes. La Réforme de l’église, les Lumières et les régimes juridiques occidentaux contemporains placeront ainsi progressivement l’individu et l’autonomie de sa volonté au centre d’un tout nouveau pacte social. De manière presque paradoxale, ce sont bien aujourd’hui des règles contraignantes, générales et impersonnelles de portée collective qui garantissent la protection des intérêts de chacun. Faisant son chemin au travers des multiples contractions de l’histoire, l’État de droit a fini par imposer sa temporalité à celle de l’église et du pouvoir de droit divin, pour garantir l’épanouissement de chacun et les libertés individuelles, dont la liberté d’expression.
Référence en matière d’ouvrages juridiques, le Prix du Cercle Montesquieu récompense, chaque année depuis 1997, les meilleurs ouvrages en droit des affaires ou sur la gestion des fonctions juridiques.
Ce prix constitue une reconnaissance de l’intérêt porté aux débats sur la constitution d’un cadre juridique pour le développement de cette technologie, fondé sur les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.
Le Prix du Cercle Montesquieu 2020 avait été décerné à l’ouvrage Blockchain et actif numérique de Dominique Legeais, paru aux éditions LexisNexis.
Mots de remerciements
Mesdames, Messieurs,
C’est un privilège de recevoir aujourd’hui ce prix des mains d’un avocat aussi renommé que Maître Matthieu Juglar et un honneur d’avoir été distingué par le jury du Cercle placé sous la présidence de Bénédicte Wautelet.
Je vous adresse mes plus profonds remerciements qui ont une résonnance, je vous l’assure, tout à fait particulière, quand je me replace dans les années 1980, dans ma banlieue toulousaine et que je revois mes parents prendre sur leurs très modestes économies pour m’offrir mon tout premier ordinateur.
Cette récompense est naturellement à partager avec mon éditeur, Bruylant et le Groupe Larcier, représenté aujourd’hui par Paul-Etienne Pimont et Nicolas Cassart ainsi qu’avec le directeur de la collection Micro Droit Macro Droit, mon collègue et ami Thomas Cassuto. Sans leur confiance, ni celle de l’Institut PRESAJE, ce travail n’aurait jamais pu voir le jour.
Je ne peux également omettre de mentionner Antoine Garapon, ancien magistrat et auteur bien connu, dont l’érudition n’a cessé de nourrir mes réflexions et qui a eu la gentillesse de rédiger une préface. Je me dois aussi de remercier Jan Kleijssen, mieux connu des sphères européennes et internationales que françaises, qui est aujourd’hui l’un des artisans acharnés d’une réglementation de l’intelligence artificielle et qui livre, en postface, sa vision d’une nouvelle architecture juridique pour accompagner la transformation numérique.
Étant la dernière barrière avec la clôture de cette longue journée de débats, je n’ajouterai donc pas de longs propos et je suis extrêmement fier de savoir que cet ouvrage, par votre distinction, va rejoindre d’autres brillants travaux, comme ceux de Dominique Legeais, sur les blockchains et les actifs numérique, pour constituer une référence dans vos fonctions.
Je ne peux que défendre auprès de vous l’idée qu’un développement à long terme des technologies numériques, dont l’intelligence artificielle est le cœur, ne pourra se faire sans le droit. La confiance du public dans les traitements opérés par des algorithmes sans cesse plus sophistiqués ne naîtra pas de seules déclarations volontaristes et d’éthiques (au pluriel) au contenu extrêmement variable. Le droit doit permettre de traduire les principes et les valeurs communes que nous souhaitons protéger dans une ère où nombre d’équilibres sont remis en jeu.
J’espère que ce travail contribuera à alimenter les débats sur des faits, et non sur la base des impressions, afin de continuer de placer au centre de nos réflexions sur la transformation numérique les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.
Encore merci au jury et au Cercle Montesquieu pour cet honneur.
L’ouverture du congrès de l’AFEE a été l’occasion de revenir sur les différentes initiatives des organisations internationales pour réguler l’intelligence artificielle.